"Artiste sous surveillance"
Où l’on découvre que de simples vitraux peuvent être très politiques.
Où l’on découvre que de simples vitraux peuvent être très politiques.
1964, Kyiv (Kiev). Un groupe d'artistes ukrainiens travaille sur un projet de vitrail, pour l'université de la ville. Parmi eux, la créatrice Alla Horska : c'est elle qui s'occupe de faire les esquisses et le prototype. Mais à peine l'œuvre assemblée, les autorités soviétiques décident de la détruire. Pourquoi ce raffut autour d'un simple vitrail ?
Illustration Artips
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Pour comprendre un tel acharnement, il faut se pencher sur son sujet. Le vitrail représente Chevtchenko, un poète ukrainien du 19e siècle très patriote et opposé à la domination de l'Empire russe. Dans les bras du poète figure l'Ukraine, sous les traits d'une femme.
Autant dire que le sujet, clairement nationaliste, ne plaît pas aux autorités de l'URSS. Toute opposition au pouvoir central est fortement réprimée : l'œuvre, jugée hostile, est immédiatement détruite.
Taras Chevtchenko, 1859, photographie
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Quant aux artistes, ils sont sanctionnés : Alla Horska est bannie de l'Union des Artistes d'Ukraine et doit quitter Kyiv pour retrouver du travail. Mais c'est loin de la décourager…
Alla Horska, en coopération avec Victor Smirnov et Victor Zaretsky, Drapeau de la Victoire, vers 1968-1969, mosaïque, Musée de la jeune résistance, Krasnodon, Ukraine, photo : Soviet mosaics in Ukraine
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En effet, ce n'est pas la première fois qu'elle se dresse contre le régime. Depuis 1960, Horska fait partie d'un groupe d'activistes dont elle est une des fondatrices.
Ensemble, ils cherchent à préserver la culture ukrainienne et dénoncent avec acharnement les crimes de l'Union soviétique.
Creative Youth Club Suchasnyk, groupe d'artistes activistes, 1963, photo : Ukrainian Unofficial. Horska est debout, la 3e en partant de la gauche.
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Il n'en faut pas plus pour qu'Alla Horska soit constamment surveillée et interrogée par le KGB, la police politique de l'URSS. Jusqu'en 1970, où elle est retrouvée assassinée. Pour ses amis, cela ne fait pas l’ombre d'un doute, il s’agit d’un assassinat politique destiné à la réduire au silence.
Alla Horska, 1970, photo : DR
Si l'œuvre et l’artiste ont disparu, il reste toujours un souvenir du vitrail grâce aux dessins préparatoires. Ils donnent une idée de ce à quoi devait ressembler cette œuvre, symbole de la lutte pour la liberté.
Alla Horska, Liudmyla Semykina, Halyna Sevruk et Opanas Zalyvakha, Chevtchenko. Mère, 1964, gouache sur panneau, étude pour l'installation de vitraux pour le vestibule de l'Université nationale Taras Shevchenko, Kyiv
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Pour la paix et la liberté...