"L’impitoyable piste aux étoiles"
Où l’on découvre une sortie de route qui coûte vraiment cher.
Où l’on découvre une sortie de route qui coûte vraiment cher.
L’histoire commence en 1933 lorsque, pour la première fois, "le Michelin" décerne trois étoiles à une poignée de restaurants. Le guide a déjà 33 ans d’existence, mais il ne ressemble plus vraiment au recueil de conseils et adresses utiles que l’on offrait aux clients des pneumatiques Michelin.
Eugénie Brazier, l'une des premières 3 étoiles Michelin, 20e siècle, photographie, photo : DR
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En 1900, les premiers automobilistes découvraient la France en sillonnant ses routes. Le guide Michelin sur le siège passager les rassurait : en cas de besoin, ils y trouvaient la localisation de l’un des rares garages du pays.
Le premier guide Michelin gratuit, 1900, photo : DR
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C’est dans ce même esprit que Michelin se met à indiquer les bonnes adresses où faire étape pour déjeuner. En donnant une 2e étoile à un restaurant, Michelin incite même les gourmands à "faire un détour". Quant aux 3 étoiles, elles signalent une table qui "vaut le voyage" !
C'est d'ailleurs le long d'une route, la nationale 7 qui relie Paris à la Côte d’Azur (la "route des vacances"), que se concentrent les bons restos. Parmi les six premiers "3 étoiles au Michelin", deux sont sur la RN7, puis quatre dès 1935 !
Carte postale détaillant une partie de l'itinéraire de la RN7, "route des vacances" également connue comme "la route du soleil", 20e siècle, photo : DR
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À l'époque, cette distinction étoilée n’ouvrait pas encore les portes de la haute gastronomie. C’est en élevant progressivement ses exigences que le guide est devenu le juge suprême de la restauration.
Aujourd'hui, de nombreux concurrents viennent lui chatouiller les pneus, mais l’avis du Michelin reste primordial pour les restaurants.
Le guide Michelin et l'un de ses concurrents, le Gault & Millau, photo : Gerry Huberty
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D'après une étude de 2017, l’obtention d’une étoile entraîne une augmentation du chiffre d’affaires de 80 % sur 3 ans. Mais pour répondre aux critères d’excellence du guide, il faut investir en travaux, embaucher plus d’employés, augmenter la distance entre les tables et donc en limiter le nombre… Si bien que la rentabilité reste très faible.
Dessert, restaurant Accents, détenant une étoile au guide Michelin, chefs Romain Mahi et Ayumi Sugiyama-Shinjo, Paris, photo : Justine Delétang
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Pire ! Lorsqu’un restaurant est rétrogradé, ses finances passent rapidement dans le rouge, donc en déficit. On comprend que certains chefs décident de rendre leurs étoiles… En prenant une voie moins balisée, ils ne risquent plus la sortie de route non contrôlée et le crash qui s'ensuit !
En 1996, Joël Robuchon (détenteur de 36 étoiles Michelin) avait raccroché sa toque car "je guettais les critiques gastronomiques" et "il fallait que j'arrête cette vie harassante." disait-il. Photo : DR