"En technicolor"
Où l’on saute du calmar au dinosaure.
Où l’on saute du calmar au dinosaure.
2007, Danemark. Passionné par les calmars, le paléontologue Jakob Vinther s’est spécialisé dans l’étude de leurs fossiles. Il s’intéresse tout particulièrement à la "poche du noir", le petit sac rempli d’encre que les mollusques vident sur leurs prédateurs.
Malheureusement, trouver des fossiles de poche est une mission quasi impossible : d’après ses propres expériences, les sacs d’encre se dissolvent rapidement après la mort de l’animal et l’encre se disperse...
Calmar récifal à grandes nageoires, 2006, Komodo National Park, photo : Nhobgood
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Et pourtant ! L’équipe de fouilles vient de ramener une pièce exceptionnellement préservée, poche incluse. En la passant sous son microscope, Jakob découvre que le sac est rempli de petites billes noires minuscules.
Ce sont des mélanosomes, des boules concentrées de pigments responsables de la couleur des calmars, des oiseaux et des mammifères. Mais surtout, les billes sont parfaitement sphériques et impeccablement conservées, après toutes ces années !
Illustration Artips Sciences, Aurora Muggianu
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Jakob a alors une idée : si les mélanosomes peuvent subsister après fossilisation, serait-il possible d’en trouver, disons… sur une plume fossilisée ? Ou même, une plume de dinosaure ? Le paléontologue se précipite dans la section de l’université réservée aux sauriens disparus, emprunte un fossile de plume, le passe au microscope et… eurêka !
L’échantillon est couvert de millions de minuscules "saucisses", une autre forme de mélanosome qui donne une couleur rousse. Jakob jubile : on peut retrouver la couleur des dinosaures !
À gauche : Archaeopteryx lithographica, fossile de dinosaure à plumes, 2009, Musée d'histoire naturelle, Berlin, photo : H. Raab / À droite : Exemples de mélanosomes observés au microscope sur un fossile de plume de dinosaure, photo : DR
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Il existe en effet une grande variété de mélanosomes possédant tous une taille, une forme et une densité différentes. Chaque type de mélanosome interagit donc différemment avec la lumière blanche du Soleil et apparaît avec une couleur propre.
Loin des gris et marron ternes proposés par le cinéma, les lézards géants (dont beaucoup étaient couverts de plumes) étaient en réalité souvent colorés !
Interaction des différents mélanosomes avec la lumière blanche du Soleil, illustration Artips Sciences, Aurora Muggianu
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En comparant avec les mélanosomes des oiseaux modernes, on a notamment trouvé des motifs de camouflage sur un Borealopelta, une sorte de char d’assaut blindé à pattes. De même, de nombreuses espèces proches du Vélociraptor chatoyaient comme des colibris. Imaginez donc un Tyrannosaure emplumé et aussi coloré qu’un perroquet… ça fait moins peur ?
Tyrannosaure emplumé, illustration Artips Sciences, Aurora Muggianu