Le Castor et les femmes
Surnommée « Le Castor » (« the beaver » en anglais) par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir a consacré une bonne partie de son œuvre à expliquer que la femme est « définie comme l'Autre » par l'homme, et donc maintenue dans une position inférieure par l'ensemble de la société.
« J'ai longtemps hésité à écrire un livre sur la femme. Le sujet est irritant, surtout pour les femmes ; et il n'est pas neuf. La querelle du féminisme a fait couler assez d'encre, à présent elle est à peu près close n'en parlons plus. On en parle encore cependant. Et il ne semble pas que les volumineuses sottises débitées pendant ce dernier siècle aient beaucoup éclairé le problème. D'ailleurs y a-t-il un problème ? Et quel est-il ? Y a-t-il même des femmes ?
Certes la théorie de l'éternel féminin compte encore des adeptes ; ils chuchotent : "Même en Russie, elles restent bien femmes" mais d'autres gens bien informés et les mêmes aussi quelquefois soupirent : "La femme se perd, la femme est perdue." On ne sait plus bien s'il existe encore des femmes, s'il en existera toujours, s'il faut ou non le souhaiter, quelle place elles occupent en ce monde, quelle place elles devraient y occuper. "Où sont les femmes ?" demandait récemment un magazine intermittent. Mais d'abord : qu'est-ce qu'une femme ? […]
L'énoncé même du problème me suggère aussitôt une première réponse. Il est significatif que je le pose. Un homme n'aurait pas idée d'écrire un livre sur la situation singulière qu'occupent dans l'humanité les mâles. Si je veux me définir je suis obligée d'abord de déclarer "Je suis une femme" […] car il est entendu que le fait d'être un homme n'est pas une singularité ; un homme est dans son droit en étant homme, c'est la femme qui est dans son tort »
Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, introduction, 1949.
Surnommée « Le Castor » (« the beaver » en anglais) par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir a consacré une bonne partie de son œuvre à expliquer que la femme est « définie comme l'Autre » par l'homme, et donc maintenue dans une position inférieure par l'ensemble de la société.
« J'ai longtemps hésité à écrire un livre sur la femme. Le sujet est irritant, surtout pour les femmes ; et il n'est pas neuf. La querelle du féminisme a fait couler assez d'encre, à présent elle est à peu près close n'en parlons plus. On en parle encore cependant. Et il ne semble pas que les volumineuses sottises débitées pendant ce dernier siècle aient beaucoup éclairé le problème. D'ailleurs y a-t-il un problème ? Et quel est-il ? Y a-t-il même des femmes ?
Certes la théorie de l'éternel féminin compte encore des adeptes ; ils chuchotent : "Même en Russie, elles restent bien femmes" mais d'autres gens bien informés et les mêmes aussi quelquefois soupirent : "La femme se perd, la femme est perdue." On ne sait plus bien s'il existe encore des femmes, s'il en existera toujours, s'il faut ou non le souhaiter, quelle place elles occupent en ce monde, quelle place elles devraient y occuper. "Où sont les femmes ?" demandait récemment un magazine intermittent. Mais d'abord : qu'est-ce qu'une femme ? […]
L'énoncé même du problème me suggère aussitôt une première réponse. Il est significatif que je le pose. Un homme n'aurait pas idée d'écrire un livre sur la situation singulière qu'occupent dans l'humanité les mâles. Si je veux me définir je suis obligée d'abord de déclarer "Je suis une femme" […] car il est entendu que le fait d'être un homme n'est pas une singularité ; un homme est dans son droit en étant homme, c'est la femme qui est dans son tort »
Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, introduction, 1949.