"Animaux animés"
Où l’on se fait une toile au coin du feu.
Où l’on se fait une toile au coin du feu.
1993, Dordogne. Edward Wachtel est spécialiste en médias et communication et il s'est lancé dans une tournée des grottes ornées du Sud-Ouest de la France.
Salle des Taureaux, environ 21 000 ans avant notre ère, peinture pariétale paléolithique, Grotte de Lascaux, Dordogne, photo : worldhistory
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Lors de sa visite des Combarelles, il est intrigué par ses décors : les représentations d'animaux sont entremêlées, comme si elles avaient été volontairement superposées les unes sur les autres.
Wachtel espère tirer cela au clair dans une autre grotte appelée la Mouthe, mais celle-ci est dépourvue d'électricité et il n'y a guère que la lampe à pétrole de son guide pour l'éclairer…
En haut : Chevaux et bisons gravés dans la roche de la grotte des Combarelles, environ 13 000 ans avant notre ère, photographie, Eyzies-de-Tayac, photo : Wellcome images / En bas : Animaux gravés dans la roche, salle de la Hutte, Grotte de la Mouthe, environ 13 000 ans avant notre ère, dessin, Eyzies-de-Tayac
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Au fond de la grotte, Wachtel essaie de distinguer une peinture représentant des animaux, mais ceux-ci sont totalement recouverts de lignes courbes rendant la lecture difficile. Soudain, il s'arrête, choqué.
En se balançant, la lanterne illumine différentes parties des parois successivement, exactement comme la lumière vacillante d'une torche… et sous ses yeux, le dessin s'anime !
En haut : Salle de la Hutte, Grotte de la Mouthe, photographie, photo : Heinrich Wendel, The Wendel Collection, Neanderthal Museum / En bas : Animaux gravés dans la roche, salle de la Hutte, Grotte de la Mouthe, environ 13 000 ans avant notre ère, dessin, Eyzies-de-Tayac
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En ballottant vers la droite, la lumière estompe les noirs, rougit les bruns et intensifie les rouges ; en revenant vers la gauche, le schéma s'inverse. Les lignes superposées s'effacent les unes après les autres en révélant les animaux en-dessous, puis réapparaissent en les dissimulant à nouveau… et le tout donne à Wachtel la sensation que la scène est en mouvement !
Illustration Artips Sciences
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L'art pariétal était-il pensé pour être animé ? C'est peut-être le cas de certaines œuvres ! Des travaux récents ont démontré que parmi les plus de 4000 figures animales recensées en France, une cinquantaine sont conçues pour représenter une image animée.
Le panneau des chevaux, entre 37 000 et 33 500 avant notre ère, peinture pariétale, Grotte Chauvet, photo : Claude Valette
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Dans la plupart des cas, le corps reste fixe mais les membres, la queue ou la tête "bougent". Plusieurs représentations de la même partie de l'animal sont superposées, comme si elles représentaient différents instants : avec le déplacement de la lumière, elles apparaîtraient et disparaîtraient en donnant l'illusion du mouvement... d'où le fameux bison à huit pattes de Chauvet et les chevaux polycéphales de Lascaux !
Le bison à huit pattes, entre 37 000 et 33 500 avant notre ère, peinture pariétale, Grotte Chauvet, photo : J. Clottes, équipe Chauvet
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Une autre technique, encore plus hypothétique, consisterait à décomposer le mouvement de l'animal en positions successives juxtaposées. On serait alors plus proche du mouvement dans la bande dessinée : le temps qui s'écoule est représenté par une séquence de postures.
Du cinéma avant l'heure ? En tout cas, il aura suffi d'une petite lanterne pour éclairer l'art pariétal d'un jour nouveau !
En haut : Frise de lions gravée sur un os découvert dans la grotte de la Vache (Ariège), entre 14 000 et 17 000 avant notre ère, photo : Guérin Nicolas / En bas : Interprétation de la décomposition du mouvement d'un lion par la juxtaposition d'images successives, dessin d'après D. Buisson, théorie de Marc Azéma
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